samedi 13 décembre 2008

La Bécosse suprême!

Chacun connaît ma fascination pour les bécosses. En particulier, fascination teintée de crainte et de terreur superstitieuse, pour ces robots automatisés que sont les sanisettes !

Un jour, j'en ai vu une, avec la porte ouverte... Craintivement, j'ai pris une photo, mais sans trop oser m'approcher... (ici photo prise avec le zoom extra-puissant, en hyper haute définition) :

J'avais même un jour réussi à entr'apercevoir les mystères insondables de l'intérieur de la machinerie, grâce à un employé en habit d'astronaute qui s'activait à une besogne mystérieuse.

Depuis que je suis Parisienne à temps partiel, je m’étais jurée qu’un jour je surmonterais ma répulsion atavique envers cette machine (d’autant plus qu’entre-temps son accès était devenu gratuit!!!) pour faire bénéficier le Monde Entier (lire : les abonnés de mon blogue) d’un expérience inoubliable.

J’avais tout planifié à l’avance.

Il me fallait pouvoir faire face à toute éventualité, à toutes les horreurs qui pourraient arriver dans cette cabine infernale!

Il fallait prévoir l’équipement de secours : un cellulaire chargé pour pouvoir appeler à l’aide si je ne pouvais plus sortir, de la lecture pour tromper l’attente, un petit lunch au cas où j’aurais faim, à boire pour pouvoir survivre si les secours tardent à arriver, une lampe de poche pour envoyer des signaux lumineux, une couverture de surplus si les nuits deviennent fraîches…

Ne pas oublier non plus un imperméable jaune de marin au cas où le nettoyage automatique de la cabine se fait avant que je n’aie la chance de sortir.

Et bien sûr, il ne fallait pas que j’aille envie de pipi puisqu’il y avait toujours le risque que la porte ouvre intempestivement alors qu’on est en besogne…

Toujours est-il que je repoussais toujours le moment fatidique où j’explorerais les sombres recoins de la Bête.

Jusqu’au jour où…

Tonton et Tata (appellation contrôlée française, car, dans le langage québécois, Tonton est loin d’être un «toton» et Tata est loin d’être «tata» (voir ici dans la lettre «T»). Je disais donc que Tonton et Tata du Québec venaient me rendre visite. Au bout de 2 heures d’embouteillage, à partir des Champs Élysés jusqu’à la Porte Maillot, Tonton déclare, avec une flegme incroyable, qu’il a une petite envie et qu’il a vu, au carrefour précédent, une bécosse publique!

Notre conducteur, horrifié, appuie violemment sur le frein… «Quoi? tu ne vas pas aller dans… dans… » bégaya-t-il… (notre conducteur était Français). «Bah oui, pourquoi pas», répond notre héros, nonchalamment… Ceci dit, il profite de l’arrêt de la voiture pour sortir, en recommandant de l’attendre ici.

Quant à moi, revenue de ma stupeur, sur une impulsion soudaine, je prends une décision inattendue : «Attends-moi, je t’accompagne». Et, plantant là le reste de la compagnie, nous nous dirigeons de concert vers La Machine.

Le bouton est vert. La cabine est libre. Je suggère à Tonton d’y aller en premier, pendant que je veille au grain courageusement, dehors. Tonton, inconscient du danger auquel il s’expose, entre et referme la porte derrière lui.

Horreur! Le bouton reste «vert»! Ce qui signifie que si je n’étais pas allée avec lui pour monter la garde, tout Paris aurait pu ouvrir la porte et le «pogner les culottes baissées» comme on dit!

Mais enfin, j’étais là pour empêcher Paris Match de mettre en couverture la photo de Tonton dans une position gênante. À date, tout allait bien.

Bientôt, je vis Tonton sortir, frais comme une rose, sain et sauf. Enhardie par son succès, je me dis que le moment était venu de prouver à la Face du Monde (et de mes lecteurs) mon courage. Je recommandai à Tonton de m’attendre en montant la garde, et je m’apprêtais à entrer.

Mais j’avais oublié le Danger Suprême!!! Heureusement, Tonton me retint par la manche! J’avais oublié le Cycle Infernal! Dans ma hâte de prouver mon courage, j’avais négligé d’attendre qu'il referme la porte et que commence le Grand Nettoyage!

En effet, aussitôt la porte refermée (et moi en sécurité dehors), des bruits de déglutition se firent entendre. Les sons inquiétants de borborygmes, de gargouillements immondes, de jets menaçants, se poursuivirent ainsi pendant un temps qui me parut interminable! Glacée d’horreur rétrospective, je m’imaginais, pauvre chose ballotée par le giclement sans fin de produits chimiques, la peau rongée par la corrosion du Monsieur Net («Monsieur Propre» pour les Français), l’épouvante bloquant tous mes sens, incapable de réagir, condamnée à attendre la fin du Cycle Maléfique qui se poursuivrait aveuglément jusqu’à la Fin…

Mais enfin, j’étais en sécurité, et à la fin du cycle, quand Tonton m’ouvrit la porte à nouveau, il était trop tard pour reculer. Je devais boire le calice jusqu’à la lie (ce qui n’est qu’une façon de parler, rassurez-vous!). J’entrai donc dans le Saint des Saints…

Ce qui me permet aujourd’hui de vous transmettre le reportage de mon Exploration Extrême : voici les photos prises au péril de ma vie… Entrez avec moi... (musique dramatique)



Approchons-nous un peu du mystérieux écriteau juste au-dessus du bol de toilette :

Quelqu'un aurait-il vraiment envie de boire cette eau??? Ou même de se laver les mains avec???

Un autre écriteau inquiétant se trouve à l'intérieur, face au bol :

Brrrr ça fait froid dans le dos, malgré leur affirmation que les toilettes sont chauffées!

Et encore, un dernier avertissement :

Victimes de constipation s'abstenir...


N’empêche que sans ce concours de circonstances extraordinaire, sans le soutien moral de Tonton (merci Tonton), je ne sais pas si un jour j’aurais pu dire avec fierté : «J’AI SURVÉCU À LA SANISETTE!!!»

Tiens? Je crois que je vais me faire faire un T-shirt avec ce slogan…