dimanche 23 septembre 2012

Aventure à l'île Bonaventure



Le 3 août 2012, j’ai pris le bateau de 13h, en direction de l’île Bonaventure! Le bateau a fait un petit tour d’un côté du Rocher, puis de l’autre, question de bien en admirer le Trou. Le Trou avec une majuscule, puisqu’il s’agit du Rocher Percé, qui donne son nom à la ville de Percé. Là où le vendeur de piscines a pour nom «Les piscines Percé».
(Non ce n’est pas vrai, il n’y a pas d’entreprise de ce nom à Percé. Il a fait faillite il y a belle lurette! Par contre, il y a des choses de percées :)


Donc, après un petit tour de trou, on fonce en direction de l’île! Ou plutôt ce que nous devinons être l’île puisqu’une brume épaisse la cache à notre vue. Peu importe. Nous nous approchons et en faisons le tour par le large. La brume s’est dissipée. Nous voyons des phoques se faire chauffer au soleil. Puis, sur les falaises, nous voyons nos premiers fous! L’île supporte une colonie de plus de 300 000 fous de Bassan. Nous les voyons (tout un spectacle!), nous les entendons (toute une cacophonie!) et nous les sentons (toute une pestilescence!!!).

Mais nous nous habituons vite à l’odeur. Sauf si un oiseau nous fait un cadeau du haut du ciel.

Des quatre sentiers disponibles, je choisis le plus court.
Après avoir sué pendant 45 minutes, il semble que je sois enfin arrivée aux premières bécosses. Un panneau m’avertit que je suis arrivée à la moitié du chemin. Pffft! 
 

Enfin, j’arrive au bout de mes peines! Je suis fascinée par les oiseaux et je ne vois pas le temps passer.


 Lorsque je regarde l’heure, il est déjà 16h30! Le dernier bateau quitte l’île à 17h et le retour prend au moins 45 minutes! Je me retourne et il n’y a plus personne sur le site.

Le troupeau de touristes est déjà parti, je n’avais rien entendu. Je me hâte vers le sentier du retour. Personne en vue, même pas des mémés retardataires. Je regarde l’heure, je marche vite, je ne m’arrête même pas aux bécosses qui sont sur ma route, c’est tout dire!

La brume va et vient. Pas grave, je me contente de suivre le sentier. Soudain, j’entends des voix! Hourra, j’ai rattrapé le groupe! Au moins, ils ne devront pas faire venir un bateau exprès pour moi et j’éviterai la honte. Après 17h, tout le monde doit avoir quitté l’île. Depuis qu’elle fait partie de la SEPAQ, c’est le règlement.

Je m’approche des voix. Il s’agit d’un couple en costume de style 1880. Ils me demandent où je vais. J’apprécie l’animation d’époque qu’ils jouent mais je n’ai pas vraiment le temps de m’attarder si je veux attraper mon bateau. Il me semble que c’est assez évident où je me rends! Ces figurants doivent aussi certainement prendre un bateau, pourtant ils ne semblent pas pressés. Au pire, je prendrai le même bateau qu’eux.

Je chemine donc en leur compagnie. Je regrette un peu de ne pouvoir visiter la maison Boutillier, vestige de l’époque de la pêche au thon, mais ce sera pour une prochaine fois. Mais mes compagnons de route, eux, semblent avoir bien l’intention de la visiter puisque c’est là qu’ils se dirigent.


Enfin nous arrivons en vue du quai. Il y a encore de la brume, mais je peux voir des gens. Mais pas de bateau...

Je leur demande à quelle heure passe le suivant. Ils partent à rire : «La semaine prochaine, peut-être… la saison de la morue est terminée». La brume se dissipe et je regarde le quai. Il y a plein d’activité, mais personne ne semble attendre un bateau. Et pas de signal sur mon Iphone, bien sûr.

...

Voici maintenant 10 ans que je suis ici. 


Je m’adapte à ce siècle, mais je ne comprends toujours pas ce qui est arrivé. Ma vie semble entre parenthèses.
J’ai pris quelques photos, discrètement, de la maison des gens qui m’ont accueillie. Tout y est bien propre, à la fois ancien et tout neuf.


Je n’ai pas faim. Je n’ai jamais faim. Au début je me faisais un peu remarquer, alors j’ai appris à feindre de manger. Je prétendais que j’avais déjeuné tôt, je m’apportais un pique nique pour aller «manger» seule, j’ai même dû avaler pour ensuite aller vomir en toute discrétion! C’est d’ailleurs la seule chose que je fais aux «bécosses».
Mes cheveux ne poussent pas. Mes ongles non plus.
Je dois partir avant qu’on ne s’aperçoive que je ne vieillis pas non plus. En cette époque, il n’en faut pas beaucoup pour passer pour une sorcière!

Il faut que je me rappelle de revenir le 3 août 2012, pour y rencontrer mon passé et reprendre le cours de ma vie.
Je cache ces documents dans une latte du plancher de la maison Boutillier, puisque je sais qu’elle survivra au temps. Il me reste plus d’une centaine d’années avant de retrouver mon époque. Je compte aller me fondre dans la grande ville, Québec ou Montréal et changer de lieu à tous les 5 ans. À partir de 1958, je devrai éviter Montréal, par contre, pour éviter de m’y croiser moi-même.
Et le 3 août 2012, je referai le trajet vers l’île Bonaventure. Je prendrai le bateau de midi, un peu avant moi-même, et je m’attendrai à la colonie de fous de Bassan, là où je me suis perdue dans le temps! Je me taperai sur l’épaule, et cette fois-ci, je me retournerai à temps pour rentrer sans manquer le bateau de 17h!

samedi 15 septembre 2012

Le travail en équipe



Je les regardais travailler sans rien dire. En fait une seule travaillait. L’autre soupirait. Tout en appliquant la peinture, elles discutaient entre elles.

- Je peux en faire aussi?
- Non, tu es trop maladroite. Contente-toi de maintenir l’équilibre, ça sera déjà ça de pris.
- Alors quand tu seras fatiguée, je pourrai en faire un peu? J’aimerais bien essayer…
- Si tu promets d’y aller précautionneusement, je te laisserai peut être faire.
- Et là? Tu es fatiguée?
- J’avoue que je commence à avoir l’épaule douloureuse, mais je veux finir ce recoin difficile avant de te laisser le pinceau.
- Bon allez, tu me fais cette surface-là, elle est facile. Mais fais bien attention à ne pas renverser le pot de peinture ou d’échapper des gouttes!
- Oui oui promis!


Et le pinceau changea de main.


- Tu vois bien que je suis capable!
- N’essaie pas d’aller trop vite, tu le sais, tu es moins forte et moins habile que moi!
- Ça va, j’ai compris, inutile de tourner le fer dans la plaie! Et puis regarde-toi, au lieu de rester là, prête à ramasser les dégâts au cas où, tu ferais mieux d’en profiter pour te reposer!!!
- Tu as raison. Mais fais gaffe!
- Bien sûr…
- Ça y est, je suis bien reposée, redonne moi le pinceau!
- Attends, je vais juste finir cette petite surface…
- Non mais tu t’es regardée? Tu t’en es foutu tout partout! Tu es couverte de peinture!
- Pffft, tu en as autant que moi!
- Oui mais moi je travaille plus que toi, j’ai pour ainsi dire tout fait à moi seule!
- À qui la faute? Tu ne me laisses presque jamais rien faire!

Le temps était venu d’intervenir. Ces deux là commençaient à me casser les pieds! Et surtout, l’ouvrage était presque fini. Je les laissai terminer, puis je donnai mes ordres :
- Cessez de vous disputer et allez tout ranger le matériel. Ensuite vous vous laverez, vous êtes toutes deux couvertes de taches de peinture!

Je les ai accompagnées pour ranger, puis je suis allée laver mes deux mains, la gauche comme la droite, qui étaient aussi tachées l’une que l’autre, finalement. Ça valait bien la peine de se disputer comme ça!