Moi qui raffole de science-fiction et de vulgarisation scientifique, j’ai lu récemment le livre «Tau Zéro» de Poul Anderson. Il est certainement un maître dans le style «hard science-fiction», par contre, les passages décrivant la vie à bord sont aussi mauvais qu’un roman de série «B». Sans vouloir insulter ceux-ci.
En gros, il s’agit d’un vaisseau spatial en partance pour coloniser une planète d’un soleil éloigné de 32 années-lumières. En voyageant près de la vitesse de la lumière, le trajet peut se faire en quelque cinq ans subjectifs. À mesure que le vaisseau prend de la vitesse et s’approche de celle de la lumière, le facteur Tau décroît, ce qui fait que le temps subjectif décroît, en même temps que la masse du vaisseau augmente. Le facteur Tau étant la racine carrée de 1 moins le rapport des vitesses du vaisseau et de la lumière au carré.
Pour les visuels : Tau = (bon, le blogue ne veut pas recopier mon équation, vous allez devoir vous en passer)
Jusque là, tout va bien. L’auteur connaît son affaire et se débrouille très bien dans sa narration.
Allons à l'intérieur du vaisseau. C'est là où ça se corse. L’équipage et les passagers se composent de 50 personnes, 25 hommes et 25 femmes, tous des spécialistes ou des techniciens, sélectionnés pour leur courage, leur sang-froid et ayant tous passé les tests psychologiques nécessaires. L’auteur a réussi à éviter le piège commun aux auteurs de SF qui consiste, malgré l’évolution de la société, à embarquer des hommes... et leurs épouses. Jusqu'ici, bravo!
Le capitaine et le chef mécanicien sont des hommes. Oui, bon, n'en demandons quand même pas trop. Le premier officier est une femme. Bravo là encore, bien que les larmes lui viennent plutôt facilement...
Par contre, on découvre très rapidement que la proportion d’hommes et de femmes a été déterminée par le besoin physique d’avoir assez de femelles pour que les mâles n’aient ni besoin de se battre entre eux, ni de violer. Sans cette justification, l’on sent que le choix de la proportion aurait été toute autre.
Parlons statistiques. Sur les 25 hommes à bord, on en connaît 21 par leur nom. On connaît aussi leur fonction à bord et ils prennent presque tous une part active dans l’histoire, par des recherches scientifiques, par l’importance de leur fonction ou même par des bagarres auxquelles ils ont pris part. On mentionne aussi parfois un chef d’équipe «ainsi que ses hommes», sous-entendant que plusieurs autres hommes sont sous ses ordres. Mais quelle est la place qui reste aux 25 femmes dans tout ça?
Des 25 femmes à l’intérieur du vaisseau, on n’en connaît que sept par leur nom. Sur les sept, deux ne sont que mentionnées en passant, sans qu’elles aient une part active dans l’action. Sur les cinq autres, trois ont couché avec le héros, la quatrième est trop laide pour ça. Quant à la cinquième, sa part dans l’action n’apparaît que 30 pages avant la fin parce qu’on avait besoin d’un utérus. Et seule la fonction de la première officière est connue. Que font les autres à bord? Nul ne le sait. On mentionne vaguement que le héros a eu plein de maîtresses d’où la nécessité d’un cheptel aussi important que 25.
Voilà donc les bases établies par l’auteur pour permettre des interactions dynamisantes de flirts, d’échange de chambres et de jeu du lit musical. On se croirait dans la télé-réalité. Ce qui fera l’objet d’une prochaine chronique, n’en doutez pas. Bref, en cinq ans, on a bien l’intention, à bord du vaisseau, d’essayer toutes les possibilités, à l’exception de quelques personnes qui sont engoncées dans un puritanisme caricatural. Si l’on nous fait grâce des descriptions pornographiques, l’on ne va guère plus loin dans les nuances sentimentales.
Le véritable héros de l’histoire est le Flic du bord. Un constable. Le héros typique ténébreux, à l’enfance malheureuse, qui garde ses secrets et ses blessures internes sans se plaindre ni se prendre en pitié, le Mâle, le Viril, avec juste la touche d’homme des cavernes qu’il faut pour que son magnétisme fasse que tous les hommes le détestent et que toutes les femmes veulent coucher avec lui. Le cliché par excellence. D’ailleurs, rien que dans les 19 premières pages, j’ai compté trois femmes qui lui ont offert de partager leur couche. Et qui ont fini par le faire au fil du roman. Ainsi qu'une quatrième, qui n'a pas pu non plus se retenir.
Ce Flic aux manières brusques est au-dessus de tout. Bien qu’il considère l’autorité comme valeur primordiale, à la première occasion, il passe par-dessus les ordres du capitaine et prend en charge les meetings d’urgence sans que ni le capitaine ni le premier officier ne réagissent. On voit que l’auteur n’a aucune idée du fonctionnement réel d’un navire ou d’un vaisseau spatial. Je ne suis peut-être pas astronaute, mais je suis marin, je sais de quoi je parle. Toujours est-il qu’à la première urgence, le héros traite les passagers comme des pauvres civils bêlants (ils réagissent d’ailleurs comme tels pour mettre en valeur l’autorité du héros) alors que l’auteur nous avait pourtant décrit avec quel soin ils avaient été sélectionnés pour cette mission.
Le héros crée une milice d’hommes (!) armés pour garder la paix et l’autorité sur le vaisseau. Tout est mis en place pour la création d’un état policier. À l’annonce de chaque mauvaise nouvelle, les femmes pleurent et les hommes disent des gros mots. C’est d’un caricatural!
Ce qui ce passe à l’extérieur du vaisseau est autrement plus palpitant : à cause de la distorsion de l’espace-temps due à la vitesse de plus en plus grande acquise, l’univers est en train de changer, d’évoluer sous nos yeux!
Dommage que nous devions nous taper toutes les inepties décrites plus haut pour avoir un peu de bonne spéculation scientifique entre deux anecdotes laborieuses. La partie romancée semble être issue de l’imagination et des fantasmes d’un adolescent de quatorze ans. Cet écrivain aurait avantage à travailler en collaboration avec un (une?) autre auteur plus au fait des choses de la vie.
Bon, je vais aller maintenant lire la série «la petite maison dans la prairie».
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1 commentaire:
Ahahahah! Je viens de la comprendre!!!
(Ça m'a pris presque 2 ans avant de la comprendre, mais je ne connaissais pas Toto...)
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