vendredi 31 décembre 2004

Aventure à la Banque de France

Comment s’y retrouver dans l’argent français? Le passage à l’euro a facilité la tâche à tout le monde (puisqu’il est plus facile de transformer des dollars en euros plutôt qu’en francs), sauf aux Français. Ceux-ci se vengent en parlant encore en francs, en balles et en briques…

« Oh j’ai payé ça au moins vingt balles! » Des anciennes balles ou des nouvelles balles?

« Ça fait plus de dix briques, ça, madame! » Ah bon? Il y a combien de balles dans une brique? Des nouvelles briques, ou des anciennes briques?

Sans compter les personnes nées avant 1945, qui parlent en millions de centimes (centimes de francs, bien sûr!)

Ayant trouvé une pile de francs dans un tiroir, je me mets en tête d’aller les échanger contre des euros. Tout un défi, me dit-on. Il paraît, selon des témoignages, qu’on aurait refusé d’échanger ces pièces à la Banque de France lors du passage à l’Euro, et c’est pourquoi elles sont restées en vrac dans le dit tiroir.

Je fais des recherches sur Internet, et je découvre la note d’information #128, qui précise, à l’article 4.1 que les pièces peuvent être échangées jusqu’au 17 février 2005. J’épluche le document pour parer à toutes les éventualités : des frais ne peuvent être réclamés. En deçà de 8000 euros point besoin de pièce d’identité. Dans une succursale type clientèle un maximum de 1500 euros peuvent être changés. Annexe III, la liste des succursales de la Banque de France et leur type.
Ainsi armée, on ne peut me présenter une fin de non-recevoir. Je vais montrer à la face du monde ce que c’est que l’opiniâtreté!

11h40, j’arrive à la porte d’entrée de la Banque de France, succursale Argenteuil. La porte est barrée, je sonne. Par un intercom, on me demande ce que je veux et qui je suis. Je bredouille un nom et je dis que je veux changer de l’argent. La porte s’ouvre automatiquement, et j’entre dans un sas. La porte se referme derrière moi et je sonne à la seconde porte. Un buzz me signale que je peux entrer. J’accède à un second sas. Je regarde s’il n’y aurait pas un rayon décontaminateur pendant que la seconde porte se referme. Même manège, je re-sonne pour une troisième porte, celle-ci ne peut s’ouvrir que lorsque la troisième (j’ai perdu le compte des portes…) se referme. Sur la porte est inscrit « Nous informons notre aimable clientèle que vous avez jusqu’au 17 février 2005 pour échanger vos francs en euros » Je suis un peu déçue, c’est trop facile. Bah, j’entre.

11h45, j’entre finalement dans le Saint des Saints, la BANQUE!!!

Trois personnes en ligne, un client à chacun des deux guichets ouverts. Un des clients termine. Mouvement hésitant parmi la file. La caissière demande : « Il y en a qui désirent changer des francs en euros? » Je dis que oui, moi, et j’amorce un pas vers le guichet, ravie. Elle me rembarre : « Ah mais non, il faut attendre dans la queue pour la caisse! ». Crétine, j’y étais, dans la queue pour la caisse. Je retourne donc dans la queue pour la caisse. Qui porte la mention « Versements-retraits », ce qui est clair qu’il s’agit de la queue pour l’échange d’euros. Pfffft.

11h55 Le client initial, de la caisse « Versements-retraits », pendant tout ce temps, est encore là, bien occupé à compter des pièces. Ça fait 10 minutes qu’il compte des pièces. On en a marre de l’entendre compter des pièces.

La personne qui est en tête de file s’impatiente et sort.

12h. La banque ferme pour l’heure du midi. Personne ne peut plus entrer, mais on ne nous chasse pas. On entend toujours brasser de la petite monnaie au comptoir. Simplet n’a pas encore fini de calculer. Il aurait pu rouler ses pièces avant d’arriver avec son gros sac de monnaie!

12h05. Dans la file, nous sommes à veille de nous cotiser pour lui payer ses maudites cennes pour se débarrasser de lui. On l’imagine, manipulant avec soin ses pièces de 5 et de 1 centime de franc…
Je regrette de ne pas avoir amené mon livre. Ou bien des cartes postales à écrire. J’ai tout de même mon petit calepin qui me sert à prendre des notes pour mon cyber-carnet. Il y a une grande table et des chaises au milieu de la salle d’attente. Nous ne nous gênons pas pour les occuper. Un comptoir (vide) porte le nom de « comptes surendettement ». Et pourquoi pas l’appeler carrément « comptoir des paumés de la dalle qui sont dans la dèche »? La délicatesse des français m’étonnera toujours.

12h10, Simplet a enfin terminé de compter. Il remplit maintenant son formulaire. En trois exemplaires.

12h15, il quitte la banque. C’est la liesse, nous l’acclamons presque! Cliente #2 de la file d’attente passe. 12h20, c'est au tour de la cliente #3, qui se fait dire qu’elle est au mauvais endroit.

12h22, c’est enfin à mon tour!

La caissière défait lentement les rouleaux que j’avais confectionnés avec tant d’application, monte des petites piles de chaque pièce, les compte et les recompte, les marque à mesure sur son ordinateur, et me demande de remplir le formulaire. En trois exemplaires. Je dois dire d’où provient ce montant, pour le compte de qui, s’il y a lieu, etc. Et signer. Enfin j’empoche mes euros et je me retire.

Sortie par les sas. Entre le 2e et le 3e sas, je pause pour attacher ma veste et enfiler mes gants. Nous sommes en hiver, après tout, même s'il fait +7°C dehors. Le buzz résonne mais je l’ignore. Il a buzzé à tous les sas, je ne l’entends même plus. Puis une voix désincarnée, quoique impatiente, clame au haut-parleur : « Veuillez ouvrir la porte et sortir », preuve que ce ne sont pas que les clients qui sont ènervés.

J’enfile mon second gant en disant, au cas où on m’entendrait : « Oui, oui, on ne panique pas » et je sors dignement. J’aurais préféré une meilleure histoire à raconter. Je me voyais déjà réclamant de voir le gérant, puis le Ministre des Finances, et enfin, pourquoi pas, le Président de la République (prononcer cette dernière expression avec en arrière-plan, « La Marseillaise » jouée par un orchestre symphonique et chantée par Pavarotti).

Mais je trouverai bien d’autre moulins à vent contre lesquels me battre!

3 commentaires:

Anonyme a dit...

:o)

Je me répète mais c'est vrai de vrai : un tel blogue c une assurance pour vivre joyeux. Merci à toi.

Tu le savais toi, que chaque article que tu ponds dans ton blogue et chaque commentaire qui s'y ajoute, ben tout cela est référencé par l'immense Google qui nous suit partout... C'en est presque rassurant : on est jamais perdu, Google est toujours là. :o)

[Je sais, je sais, on est chez Google, c'est normal qu'il couve ses petits]

coyote des neiges a dit...

Moi je trouve ça épeurant, de savoir que Big Google nous a à l'oeil tout le temps!!!

Anonyme a dit...

En tout cas, je viens de re-pleurer de rire en re-lisant ce billet. ;o))

Suis rendu que je me dis : pourquoi aller lire les autres blogues quand je ris tellement sur celui-ci ? alors je reprends la lecture en 2004... pour la nième fois.