samedi 28 mai 2011

Je surveille un examen

Ah, la période des examens!!! Période stressante pour l'élève mais relaxante pour le prof!

Notre préparation pour l'examen (après avoir composé, photocopié et fait le solutionnaire de cet examen, bien sûr!) consiste à nous trouver des activités solitaires et silencieuses pour soutenir un siège d'une durée de quatre heures.

A-t-on des corrections à faire? C'est le moment... Sinon, on s'apporte de la lecture. En cas de fringale, on amène quelques provisions (qui se mâchent sans faire de bruit, donc les chips sont à proscrire...). Grâce à la nouvelle technologie, on peut jouer aux cartes sur l'écran de notre iphone. Si on a un signal internet, on peut aussi envoyer des courriels, en recevoir, envoyer des photos de la salle d'examen...

Parfois on a un beau local...


Parfois non...

Si nous sommes le seul prof en surveillance, comme dans le cas des petits groupes, on nous assigne un «surveillant volant», qui a pour tâche de faire le tour des locaux où le prof est tout seul pour lui permettre de prendre une pause, d'aller se chercher un café, de faire pipi, se trouver un autre livre car sa lecture est terminée et toutes ces sortes de choses qu'on fait quand on est libre.

La surveillance volante (ou, plus simplement, la volance) donne lieu à des échanges pour le moins bizarres pour ceux qui sont hors contexte :
- Qui c'est qui me vole, cet après-midi?
- C'est moi, vers quelle heure tu veux que je te vole?
- Eh tu as oublié de me voler hier!

Mais la plupart de ces examens se font en groupe. Il peut y avoir 5 ou 6 groupes différents dans un même local. Dans ce cas nous sommes donc plusieurs profs à effectuer la surveillance, qui consiste surtout à répondre aux questions des élèves qui trouvent que nos questions d'examen ne sont pas claires, alors que ce qui se conçoit bien s'énonce clairement et que les mots pour le dire viennent aisément. Et que tant va la cruche à l'eau qu'on ne regarde pas le bouchon qui n'amasse pas mousse qui roule.

Mais lorsque nous sommes plusieurs profs, nous devons résister à l'envie de jaser entre nous et de ricaner trop fort. Les seuls bruits qui doivent se faire entendre sont les feuilles qui bruissent (les feuilles d'examen, pas celles des arbres), les crayons manipulés et les scritch scritch des aiguisoirs (taille-crayons pour les Français!). Non, on n'entend pas de mouches voler pour la bonne raison qu'en mai les mouches sont encore gelées. Et en avril ne te découvre pas d'un fil.

Mais c'est bien beau jouer aux cartes sur notre iphone, il faut rester attentif aux signes de détresse de nos petits. Je passe dans les allées, j'ai l'impression de faire mon marché (faire l'épicerie pour les Français, à moins que ce ne soit l'inverse?).

Une main levée à l'autre bout de la salle! Je jette un coup d’œil à l'autre prof pour savoir s'il s'agit d'un de ses petits ou un des miens (je suis un peu myope...). Non, c'est bien un des miens. Il veut savoir s'il peut écrire ses réponses à la mine (au plomb pour les Français, à moins que ce ne soit l'inverse?). Je lui réponds que je m'en fous. Il est content. On m'accroche au passage : il veut une feuille supplémentaire. Je lui en donne. Il est content aussi. Une autre main levée : «Je peux-tu aller aux bécosses?» Mais oui, vas-y, mon ti-loup. Lui aussi est content. Je fais des heureux, c'est très gratifiant.

Plus rien. Pour passer le temps, je fais des statistiques : sur environ 85 élèves, je compte 15 casquettes (dont 2 seulement portées la palette vers l'arrière, ce qui prouve que c'est passé de mode), 2 tuques de laine (ce qui prouve qu'en mai non plus ne te découvre pas le coco) et 1 seul capuchon relevé (yo man). Je n'ai pas pu compter le nombre de culottes pendantes au califourchon aux genoux puisque tout le monde est assis.

Après l'examen, la correction. Nous étions trois profs à donner la même matière. Nous avons donc décidé de faire un examen commun. Une belle entreprise intergénérationnelle. Expliquons d'abord que l'un d'entre nous m'a déjà enseigné, et que j'ai déjà enseigné à un autre prof du département, qui, lui, a déjà enseigné au troisième d'entre nous. Quatre générations de profs, donc! Nous nous étions partagé la tâche : notre aîné allait composer l'examen, moi j'allais écrire le solutionnaire, et nous voulions laisser à notre benjamin la tâche de corriger les 60 copies.

Mais bon, on a eu pitié et nous avons décidé, à la place, de faire un party de correction. L'avantage du party de correction, c'est que, dans un souci de justice, nous pouvons nous consulter mutuellement sur le nombre de points retirés pour tel ou tel type d'erreur. Bien sûr, le solutionnaire donne les grandes lignes de la correction, mais les élèves sont une source inépuisable de types d'erreurs nouvelles auxquelles, malgré notre expérience, nous n'aurions pu penser.

En plus du souci de justice, ça nous donne aussi l'occasion de nous échanger des perles et des mots d'enfant d'étudiant impayables! «Ouahhahaahahah! regarde, il a marqué "volupté" au lieu de "volute" dans son dessin de trubosoufflante!!!», «HAHAHAH! Regarde comment il a écrit "vacuum" : "vacuhom"», sans compter les "moteurs à trois temps" (HOUHOUHOUHAHAHA) et les lapalissades telles que le moteur réversible comme moyen de renversement de marche d'un moteur diésel!

Bref, des heures de plaisir! On envoie le petit nouveau au Tim Horton en face pour aller nous chercher des beignes et du café et avec tout ça, on ne voit pas le temps passer. En l'espace d'un après midi, toutes nos corrections sont faites, la justice règne, ainsi que la bonne humeur.

Quel merveilleux métier que le mien!