samedi 11 mars 2023

Liliane, petite niaiseuse à lunettes

 Mon 6e roman vient de sortir, aux éditions ÉLP!



Cliquez ici pour lire un extrait ou pour commander en numérique.

Pour la version papier, vous pouvez le commander sur Amazon ou bien auprès de l'autrice! 

Ces chroniques du Collège de l’Assomption, de Marie-Andrée Mongeau, couvrent les années 1970 à 1975, avec quelques incartades à la fin des années 1960 (à l’école primaire), en 1992 (pour le conventum de promotion) et même au vingt-et-unième siècle. Elle nous installe à l'intérieur d'un univers semi-imaginaire, gravitant autour d'un personnage portant le nom de Liliane Rancourt (nom fictif). Liliane est une jeune fille assez austère d’allure et portant des lunettes. Elle jette sur son univers social un regard sobre, intérieurement intense, désabusé et caustique. C’est cette même Liliane que l’on retrouve, à peine quelques années plus tard, dans L’été olympique, ouvrage à quatre mains coécrit avec Daniel Ducharme.


Presque tous les faits évoqués dans cet ouvrage se passent à une époque où, au Collège de l'Assomption, la mixité estudiantine n’était en place que depuis 1966. Cela ne fait que quatre ans qu'il y a des étudiantes dans cet établissement d'enseignement privé de la région de Lanaudière (Québec, Canada), lorsque Liliane y arrive en 1970. On découvre que les jeunes femmes, il y a cinquante ans, vivaient dans un univers institutionnel où les injustices tranquilles qu'elles subissaient étaient permanentes, implicites. Lire cet ouvrage, c'est une occasion, notamment pour les jeunes filles, de mieux comprendre comment ont vécu leurs mères et leurs grand-mères, à une époque que l’on devine heureuse, mais que l'on souhaite aussi révolue. Autre enfance, autres temps.


Vous trouverez d'autres chroniques du Collège de l'Assomption, vues par Paul Laurendeau, dans son ouvrage «Les cent-trente-huitards»


dimanche 1 janvier 2023

Le jour de l'an

 Cette année, j'ai décidé de me donner un coup de pied au derrière et de sortir pour le nouvel an. Il y avait une fête au village, à 21h30, heure à laquelle je fais habituellement dodo. Mais une fois n'est pas de coutume, je prends mon courage à deux mains, ainsi que le volant de mon char (car j'habite tout de même à 3 km du village, dans un rang éloigné...).


Je fais l'effort de m'habiller en dur. C'est à dire que je troque mon habillement de mou pour... en fait, je ne fais que changer mes pantalons en polar usés à la corde pour des pantalons pas usés.


Et c'est dans une brume à couper au couteau que je pars. Il fait un drôle de temps, +5°C, une petite bruine et une grosse brume. C'est à peine si on voit où on s'en va. Je roule à 30 km/h dans une zone de 90. Personne ne me klaxonne, tout va bien. Tellement personne d'ailleurs, que je me demande si la soirée n'a pas été annulée.


Enfin, à la dernière minute, je vois les lumières du centre paroissial, ainsi qu'une multitude de chars dans le stationnement. J'entre, je mets mon manteau sur un support, sur le porte-manteau à roulettes. Personne que je connais dans les gens arrivés. Comment ça se fait qu'après 35 ans dans le village, je ne connaisse personne?


Le DJ fait jouer de la musique sortie tout droit de «Soirée canadienne». Une vingtaine de jeunes pratiquent la danse en ligne. Celle-ci m'a toujours fascinée. Les danseurs forment un bloc de 4 par 5 (bin oui, puisqu'ils sont vingt) et sautillent au rythme de la musique: deux pas à gauche, deux pas à droite, tous ensemble et soudain hop, tout le monde tourne de 90° vers la droite (ou vers la gauche mais tout le monde dans la même direction). Une fois, il y a des années, je m'étais jointe naïvement aux danseurs, en prenant garde de me mettre à la dernière rangée pour pouvoir suivre les autres et être plus discrète si jamais je me trompais de côté. Naturellement, après 2 pivotements de 90°, je me suis trouvée sur la première ligne sans plus pouvoir copier mes pas sur personne!


Les gens se mettent à affluer. Beaucoup de jeunes gens, moi qui croyais que le village était dévitalisé... Toujours personne que je connais. Je suis en train de me demander si je me suis trompée de village! Qui sait si la brume maléfique au travers de laquelle j'ai conduit ne m'a pas transportée dans l'espace-temps? Je suis bien dans le bon village, puisque je reconnais la salle où j'ai été me chercher de l'eau pendant la panne électrique de cinq jours qui m'a affectée dans le temps de Noël... Mais alors, qui sont tous ces gens? À quelle époque suis-je tombée? La plupart des jeunes ont tellement de trous dans leurs jeans que je regrette d'avoir changé mon pantalon usé, qui aurait quand même eu l'air chic. Les gens continuent à rentrer.


Je commence à trouver qu'il y a beaucoup de monde. Trop de monde. Je suis entourée de plus de gens juste ce soir que je n'en ai vus durant les deux dernières années au complet. Je me mets à me sentir un peu mal. Je vois presque les nuages de covid flotter au-dessus des gens. Bon, j'avoue que ce n'est qu'une rationalisation de mon ochlophobie* galopante. Je regarde l'heure discrètement. J'ai quand même tenu une heure. Satisfaite, je me fraie un chemin vers mon manteau, je l'empoigne et je sors dehors, dans l'air encore brumeux. Bonne année, moi je rentre à la maison!


Finalement, c'était quand même mieux que passer le jour de l'an à Paris sur les Champs-Élysées avec des poivrots qui nous bousculent et nous aspergent de mousseux, puisqu'on n'a pas besoin de prendre un métro bondé pour rentrer. Mais quand même. On est bien mieux chez soi.


* Ochlophobie : peur de la foule