dimanche 27 février 2022

La solitude en pandémie

(ou… Je vais en Ville!)


13e chronique de l'influenceuse

 

  • Youppi! J’ai un petit rhume! Quel prétexte idéal pour m’isoler pour 14 jours supplémentaires! Écrivis-je un jour à Amie-qui-me-connais-bien, dans mon courriel journalier (oui, car pour s’assurer que je suis toujours vivante, elle m’oblige à me rapporter à tous les matins par courriel).
  • As-tu vraiment besoin d’un prétexte? Me demanda-t-elle…
  • Non. Répondis-je.

 

Car le solitaire s’accommode très bien de la pandémie, à condition de ne pas attraper le Covid, bien sûr. Durant des années, le mois de janvier était pour moi sujet à quelques craintes. Cela signifiait la rentrée au bureau pour la première fois de l’année, donc j’avais «droit» aux souhaits de bonne année que je m’efforçais de rendre du mieux que je pouvais, ainsi qu'aux bisous traditionnels de collègues de bonne volonté. On finit par s’adapter, au fil des ans, on se dit que ce n’est qu’un mauvais moment à passer, on se soumet passivement aux effusions annuelles. Mais on a hâte au 23 janvier, là où tout le monde y a passé. Ou bien oublie qu’on y a échappé.

 

Étant en semi-retraite, il se trouve que je ne travaille pas ces temps-ci. Je fais donc ce que j’ai toujours fait dans mes périodes d’inactivité, pandémie ou pas : je m’enterre dans ma bulle, bulle qui s’étend dans un rayon de 750 mètres autour de ma maison (sauf pour ce voisin qui est venu récemment s’installer à 125 mètres de chez moi, mais heureusement, il ne sort pas souvent de chez lui). Escortée de ma meute de chien féroce (Peluche, viens mon toutou!), je parcours mon territoire jalousement. Telle une impératrice, je salue de la main, avec toute la superbe que je peux arborer, ceux qui passent en auto dans mon rang; ceux qui habitent encore plus creux que moi. Ou les livreurs. Ou le camion de poubelles. Je ne suis pas élitiste.

 

Mais enfin, puisqu’il faut bien manger, je me suis décidée à aller en ville. Amie-qui-me-connait-bien, à qui j’ai envoyé un courriel pour lui dire, m’a répondu «À -24°C? Tu es courageuse!». Ah merde, que je me suis dit, j’ai raté une autre bonne occasion de procrastiner. Mais puisque j’étais déjà sur ma lancée (quel dommage), j'y suis allée. Et aussi parce que j’étais un peu tannée de manger du spag.

 

Est-ce parce que ça faisait longtemps que je n’avais pas vu personne? Il m’a semblé que tous ceux que j’ai rencontrés (vendeurs, autres clients, collègues, passants dans la rue) étaient très avenants. Peut être aussi que le port du masque oblige à exagérer les marques d’amabilité: puisqu’on ne peut voir, au travers du masque, un sourire poli, il faut sourire des yeux et en plus verbaliser les politesses «Mais je vous en prie…», «Passez une bonne journée…» etc. L’amabilité étant contagieuse, nous obtenons, dans notre petite ville, un environnement civil et raffiné où il fait bon vivre en société… C’est sûr qu’on n’est pas à Ottawa, par contre.

 

Finalement, les autres ne sont pas si pires que ça. À petite dose. Je suis rentrée chez moi avec assez d’épicerie pour tenir jusqu’à la fonte des neiges.


 

jeudi 17 février 2022

Renversons la vapeur

 

12e chronique de l'influenceuse

(La revanche des tu-seuls)

 

N’oublions pas que mon créneau d’influenceuse est la solitude. Alors pour tous mes gentils détracteurs qui se sentent obligés de défendre leur position de couple, de sociétaires, de grégaires, il me fait plaisir de recevoir vos doléances et vos arguments pitoyables. Pour une fois, vous vous trouvez dans la situation habituelle des solitaires, qui se sentent attaqués dans leur identité, incompris, et qui finissent par adopter, de guerre lasse, le point de vue de la majorité qui leur matraque sans arrêt combien ils sont malheureux… Ou s’ils sont heureux, c’est qu’ils font semblant.

 

Car tout converge de façon à ce qu’on se sente triste lorsqu’on est seul. Je parle d’être seul en général. À force de se faire marteler (que ce soit par les chansons à la radio, par les comédies romantiques qui «finissent bien», ou par notre entourage «bienveillant») qu’on doit éviter la solitude à tout prix, une angoisse se forme dès qu’on se retrouve seul. Par la contagion de la phobie collective, on se sent obligé de se sentir misérable.

 

Virons ça à l’envers. Dans un monde d’ermites, un petit troupeau de grégaires existe. Ils se font naturellement harceler :

 

Il y a les gens qui ne comprennent pas le choix (si c'est bien un choix) de ce troupeau :

  • Tu dois en avoir marre d’être toujours entouré?
  • À la longue, ça doit peser, se sentir toujours observé?
  • Mais comment peux-tu accepter de faire des… compromis? (ce dernier mot à prononcer sur un ton dégoûté)

 

Ils se font déclarer, d’un air sentencieux :

  • Il ne faut pas confondre le «fun» avec le bonheur…

 

Pour donner de l’espoir à ces pauvres grégaires :

  • Ne t’en fais pas, un jour ton conjoint va bien finir par décoller…

 

Et, pour inciter ces personnes à se conformer à la norme :

  • Pense à tous ces êtres dont l’absence te réjouirait!

 

Mais on vit en société. Je suis du mauvais côté de la barrière…



lundi 14 février 2022

Spécial Saint-Valentin

 11e chronique de l’influenceuse

 

Messieurs, s’il y a quelque chose de plus pénible que de réfléchir à un cadeau de Saint-Valentin et de le préparer, c’est d’attendre que son tchum arrive avec un cadeau de Saint-Valentin. Que ce soit une sortie dans un resto bondé (bin oui, toé, le 14 février) ou bien un bouquet de roses (ou du moins ce qui reste chez les fleuristes, un 14 février), ou du chocolat en forme de cœur emballé dans du papier alu rouge (qui sera en spécial chez Jean Croûteux, la pharmacie où on trouve de tout même un ami, à partir du 15 février), tous les médias s’assurent que personne n’oublie la date fatidique.

 

Eh oui, la tradition exige encore que ce soit le monsieur qui offre un cadeau à la madame. Cette fête perpétue, sous couvert de romantisme et d’amour, l’idée de l’homme pourvoyeur de bonheur et de la femme qui attend passivement. Les attentes sont telles que même si le couple a décidé d’un commun accord de ne rien faire, la femme se sentira vaguement déçue et l’homme vaguement coupable.

 

Le pire est que cette fête revient tous les ans. Si, une année, une Saint-Valentin a été fêtée de façon extraordinaire, on ne pourra faire moins l’année suivante sous peine de penser que le couple bat de l’aile. Et quand on pense qu’il pourrait y avoir 70 Saint-Valentins dans la vie d’un couple (oui, l’enfer, c’est long!), on a intérêt à commencer doucement.

 

La célibataire, elle, ne s’attend à rien. Elle regarde passer les pubs avec un ricanement intérieur. Pour peu que personne ne vienne lui remettre à la figure son statut de «pauvre solitaire qui doit tellement être malheureuse un 14 février», quand on y pense, elle est certainement beaucoup plus sereine que celle qui se demande si l’amoureux va y penser, s’il va faire mieux que l’an dernier, ou comment elle devrait interpréter le cadeau ou la surprise.

 

Pour la célibataire qui aime le chocolat aux cerises, il sera en spécial dès le lendemain chez Jean Croûteux, là où on trouve de tout sauf, dieu merci, un amant.

 

On n’est jamais si bien servi que par soi-même.

 

 

jeudi 10 février 2022

«Prendre soin de soi»

10e chronique de l’influenceuse

 

J'ai reçu une pub provenant d’une pharmacie (je parle ici de ces pharmacies québécoises où on trouve de tout, même un ami), avec, en gros titre «Cet hiver, prenez soin de vous». Ooooh, quelle bonne idée! J’ai tout de suite pensé à quelque chose de douillet dans lequel me vautrer, qui va augmenter mon degré de confort… Je me voyais en pyjama, tasse de chocolat chaud à la main, soignant un rhume éventuel avec un cachet de vitamine C… Alléchée par la perspective, je me suis empressée d’ouvrir ce courriel…

 

… pour m’apercevoir qu’on me conseille un rouge à lèvres qui va me donner des lèvres pulpeuses ou bien des faux-cils révolutionnaires qui tiennent magnétiquement (je n’invente rien!) et qui vont me donner l’impression d’avoir des araignées autour des yeux. Quelle déception. Prendre soin de soi, ou de son apparence? On a encore bien du chemin à faire…

 

Je vote pour le laisser-aller. Mais la personne qui se «laisse aller» suscite de la pitié. «Elle qui prenait tellement soin d’elle, qui était toujours tirée à quatre épingles, voilà maintenant qu’elle sort sans même se maquiller. La déchéance». La société imagine ainsi, avec tristesse, ce qui se passe dans la tête d’une personne qui se laisse aller… elle vieillit… elle a lâché prise sur la vie…

 

Et si c’était le contraire? Arrêtons de ne voir que l’extérieur, entrons à l’intérieur : oui, le corps exulte! On pense à soi, dans le vrai sens du terme. Maquillage? Talons hauts? Pffft! Ce qui se passe dans notre tête, pour vrai? Tout simplement qu’on s’en fout!

 

Et nous pouvons enfin chanter à pleins poumons : libérééééée, délivrééééée…

 

 

 

Mais pourquoi les compagnies de produits de beauté ne se précipitent-elles pas pour me commanditer? Je dois avouer que ma préférée reste la fameuse crème miracle, celle-là :

 L-100-K-Lisse 



lundi 7 février 2022

Le couple

9e chronique de l’influenceuse

 

Puisque la solitude est souvent associée au célibat, je crois que le moment est venu de parler du couple.

 

Le couple : LE grand sujet de la solitude, que j’ai diplomatiquement évité dans mes précédentes chroniques, parce que notre société a érigé l’Amour comme valeur suprême. Si je n’avais pas soigneusement préparé le terrain, je me serais fait blaster dans les commentaires (et j’aurais perdu mes commanditaires de rouge à lèvres).

 

Loin de moi l’intention de faire divorcer tous mes fans mariés, si vous êtes heureux, ou que vous en êtes persuadés, tant mieux pour vous. Je m’adresse surtout aux tu-seuls qui se font culpabiliser sans arrêt (pis, quand est-ce que tu te trouves un tchum/une blonde?) et qui se sentent obligés de faire semblant de faire semblant de s’en foutre (attention, c’est du 3e degré!). Autrement dit, ils s’en foutent réellement dans le fond de leur être, mais ils doivent se conformer à ce qui est attendu d’eux : avoir l’air de se forcer à faire bonne figure, comme on le voit dans les comédies romantiques, au début du film. L’héroïne prétend être trop occupée pour se trouver un mec, mais tous les autres comédiens (et l’audience) savent ce qui est bon pour elle, c’est-à-dire se trouver un mec. Je reviendrai sur le sujet des comédies romantiques, j’en ai beaucoup à dire sur le sujet aussi.

 

Bref, être en couple combine tous les désavantages de la solitude (il n'y en a pas beaucoup), sans aucun des avantages (et dieu sait qu'il y en a!).

 

Il est tellement admis que le couple est l’idéal auquel il faut aspirer (un peu comme la maternité pour les femmes, mais ceci est une autre question qui devra faire l’objet d’une chronique en elle-même, je suis intarissable sur le sujet, en fait je suis intarissable sur tous les sujets), que personne ne nous croit quand on dit qu’on est célibataire par choix.

 

Un vieux garçon, à la rigueur, ça passe. Un clin d’œil salace permet de convaincre l’interlocuteur qu’il a une vie «bien remplie». Et ici, le «bien remplie» est accompagné du geste ostensible de guillemets avec les doigts qui signifie «Je fourre tout le temps». Et les gens lui foutent la paix.

 

La célibataire, par contre, a doit à tous les arguments pour la convaincre qu’elle est malheureuse.

  • Tu n’as pas encore trouvé le bon… (le bon quoi???)
  • Mais comment peux-tu vivre sans Amour?
  • Pis, quand est-ce que tu nous présentes ton tchum?
  • T’en fais pas (mais je ne m’en fais pas du tout), un jour ton prince viendra…

Et lorsque la St-Valentin arrive, tous les médias (ainsi que la circulaire Jean Coutu) sont là pour rappeler que ce n’est pas normal d’être tout seul. Impossible de trouver du chocolat sans qu’il soit emballé de rouge et en forme de cœur.

 

Et pourtant… On connait tous un couple solide, amoureux, ensemble depuis longtemps, qui transpire l’harmonie et la guimauve… On se dit que c’est notre modèle, que c’est l’archétype du bonheur conjugal. C’est LE couple qui nous donne espoir, qui nous fait croire en l’Amour… et combien de fois n’avons-nous pas été ébranlé par la soudaine réalisation que tout n’est pas rose dans ce couple qu’on considère «idéal»?

 

Ce qui vient brouiller les cartes, c’est qu’il est admis que pour être normal, il faut avoir une vie sexuelle «saine». Saine dans le sens qu’il faut fourrer, mettons, une fois par semaine minimum. Mais les hormones, ce n’est pas tout dans la vie. Il y a aussi la criss de paix. Quand on est célibataire, qui vient nous déranger le matin quand on n’a pas envie de parler/baiser/se réveiller? Avouez, moitiés de couple, que très souvent vous avez envie de dire «Oh, mais décolle!» mais que vous retenez votre réplique agacée parce que… vous êtes en couple.

 

Comme célibataire, on n’a de compromis à faire qu’avec soi-même. C’est ça, le comble du luxe!

  

jeudi 3 février 2022

Aidan ou Mister Big

 8e chronique de l’influenceuse

 

Avant de parler du couple comme tel, inspirons-nous de Sex and the City  pour parler du vif débat qui fait rage (oui, encore de nos jours même si la série est terminée depuis longtemps) entre les tenants d’Aidan et ceux de Mister Big (les deux prétendants très différents de Carrie, l’un des personnages principaux).


Non, je n’ai jamais écouté la série Sex and the City. Peut-être que vous non plus. Disons que c’était une série qui se voulait féministe, hyper populaire chez nos voisins du sud, qui mettait en scène quatre trentenaires célibataires au début des années 2000, à New-York.


On va encore dire que je parle de ce que je ne connais pas, c’est vrai, mais cette fois, je ne me cache pas que je vais parler de ce dont j’ai entendu parler. La femme qui vu la femme qui a vu l’ourse. Je ne parlerai donc pas de la série, mais d’un point bien précis. Comment en suis-je arrivée à être une telle sommité en matière de sexe et de cité? Grâce à India Desjardins .


Dans son livre Mister Big, India Desjardins cite Michael Patrick King (le producteur, réalisateur et/ou scénariste de la dite série, que je n’ai pas écoutée) qui disait, en entrevue «If I talk to a woman for more than five minutes I can telle you exactly whether she’s a Aidan girl or a Mr Big girl. Aidans girls are more interested in nurturing relationships and building a nest, while Mr Big girls are more about show and having fun» (Cliquez pour avoir la version complète de l'entrevue).


India Desjardins donne deux raisons pour lesquelles cette citation la dérange : premièrement parce que le monsieur catégorise les femmes en cinq minutes selon le type d’hommes qui leur plait, et deuxièmement à cause du fait qu’il leur accole une étiquette du nom d’un personnage masculin.


Je peux ajouter plein d’autres raisons pour lesquelles la citation me dérange : déjà, se permettre de catégoriser les femmes (sous-entendu toutes les femmes), c’est d’une prétention sans bornes. Ensuite, de prétendre pouvoir le faire en l’espace de cinq minutes, ça dépasse l’entendement. Même chose pour tous les êtres humains, fussent-ils hommes, d’ailleurs. Au-delà du libellé des étiquettes, il y a le nombre d’étiquettes. Il y en a deux. Deux routes à prendre. Rien entre les deux. Mais encore au-delà du nom, au-delà du nombre, c’est le choix des étiquettes qui me dérange : la sécurité ou le fun (par «fun» entendez «sexe»). La dichotomie de la maman et la putain. On n’est pas sorties du bois.


Bref, tout me dérange dans les trois lignes citées. Je ne prendrai pas la peine de commenter toute l’entrevue, je risque de péter ma fuse et de perdre le fil de mon mandat d’influenceuse.


Donc, bien que n’ayant visionné ni la série ni les deux films qui ont suivi, grâce à l’essai de Madame Desjardins, j’ai compris que la seule option de Carrie (un des personnages centraux) est de décider avec qui elle va finir (notez que le terme «finir» n’a pas été choisi au hasard).


Le débat entre Aidan et Mister Big se résume en réalité à : «Veux-tu une relation plate ou une relation toxique ?» Ne serait-ce pas un faux débat ? N’y a-t-il pas d’autres modèles de relation ? Mais… plus important encore, il faudrait s’interroger en premier à «Veux-tu une relation ?», tout simplement.


Et si la réponse était «Non merci» ?

 

 

(Vu la popularité de la série, j’ai fait exprès de mettre un titre putaclic pour attirer plus de lecteurs.)