vendredi 26 novembre 2004

Aventure hospitalière

Examen de routine à l’hôpital. L’instant est bien choisi pour ethnographier les patients dans la salle d'attente du département de cardiologie. La moyenne d’âge est assez élevée. Je fais figure de petite jeunesse parmi eux. Nous avons tous enfilé la petite jaquette bleue d'hôpital.

Manifestement, ils se connaissent tous. Ils jasent avec animation. Un homme raconte à la ronde d’un ton enjoué ce qui l’amène à frayer avec la cardiologie. Après la description rapide de ses trois arrêts cardiaques, de son traitement à la nitro et de sa paralysie au bras gauche, il enchaîne sur la chasse au chevreuil. Les autres de renchérir. Ils semblent tous, hommes ou femmes, être des habitués de la chasse et ont tous leur petite anecdote à raconter.

Je feins de lire. En réalité, j’aimerais bien lire, mais la causerie m’empêche de me concentrer sur le «Agatha Christie» que je tiens à la main. J’aurai bien amené «The fabric of Cosmos» ou bien «Black holes and time wraps» mais j’ai horreur de paraître pédante. C’est de si mauvais goût!


Mon intervention dans la conversation se limite à faire remarquer à une dame que la jaquette bleue se porte avec l’ouverture à l’avant. Elle retourne au vestiaire se la virer de bord et revient.

L’un des protagonistes demande à l’autre : «C’est quoi, votre nom, déjà?» L’autre de répondre : «Arthur Michaud» (nom fictif non pas pour préserver son anonymat, mais bien parce que je ne m’en souviens plus). Et, comme un ballet bien orchestré, le haut parleur annonce «Monsieur Arthur Michaud, en salle 5» Et Monsieur Michaud de se diriger d’un pas guilleret en salle 5, en jaquette bleue ouverte sur le devant.

Le propos ne tarit pas pour autant. Les individus passent, d’autres arrivent, et toujours la chasse au chevreuil tient le haut du pavé.


Enfin mon tour arrive, je quitte le débat bruyant avec soulagement.


À mon retour et à mon grand dam, je constate que la conversation roule toujours sur la chasse aux chevreuils. Ils ne pourraient pas parler de leurs bobos, comme tout bon patient qui se respecte, non?

Je passe au vestiaire pour troquer la jaquette bleue (à ouverture sur le devant) contre mes vêtements civils, et je quitte les lieux, mon livre inachevé à la main.

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