C’est l’Aventure!!! Je pars en reportage dans le système de santé! Ligature de la prostate endocrinale. Peu importe (je dis n'importe quoi, comprenez à demi-mot que c'est pas vos oignons!). De plus, c'est à Québec que je dois me faire opérer, à 350 km de ma ville d’origine. Je ferai l’aller-retour en autobus, toute seule comme une grande.
C’est la première fois que je vais passer une nuit à l’hôpital. C’est très excitant! Je vais enfin réaliser mon fantasme d'adolescence, quand je lisais les livres de la bibliothèque rose : «Sylvie, aide-infirmière» et que, par conséquent, je rêvais de devenir infirmière! (Après une petite recherche, je m’aperçois que Sylvie était hôtesse de l’air… Et qu’il s’agissait de la collection Marabout Mademoiselle. L’infirmière, c’était Susan Barton!!! Mille excuses!!! Ce qui me rappelle qu’à un moment de ma vie, j’ai voulu être hôtesse de l’air aussi!)
Bref, si je peux difficilement amener mon ordinateur portable, du moins j’amène mon petit calepin de blogueuse. Ainsi que mon pyjama fétiche, mes pantalons de coton ouaté mauve pâle, et mes pantoufles confortables.
Je dois me présenter à l’hôpital à jeun, comme indiqué dans mes instructions. Je n'ai donc pas pris de brosse* ce matin-là.
* prendre une brosse : se souler la gueule.
Je suis assignée au 4e étage, dans l’aile ouest. Quand j’arrive dans mon «chez-moi», le personnel me donne une jaquette à fesses-à-l’air, ainsi que des chaussons d’allure étrange.
On m'installe dans un lit qui me servira de civière pour les promenades avec chauffeur privé.
Donc on me couche, on me pique sur un bras pour me mettre un soluté, on me branche de l’autre pour me mettre le petit ballon au bras qui mesurera ma pression (vous savez, comme la machine, chez Jean Coutu!!!) et on me colle au corps une dizaine d’électrodes reliées à une petite boîte qui transmettra mes signes vitaux. Big Brother me surveille!
C’est là que je réalise que enfiler mon pyjama fétiche par dessus tous ces fils aurait causé quelques problèmes techniques…
La matinée se passe dans la bonne humeur, tout le monde passe tour à tour, infirmières, médecins, techniciens, préposés au ménage. On me parle, on cherche à me rassurer, on me propose de voir un vidéo expliquant mon intervention à venir pour me tranquilliser, on me répète que tout va bien aller, avec force sourires apaisants… à un tel point que je commence à me demander si je ne devrais pas me sentir nerveuse!?!
Peine perdue, je n’y arrive pas. Même le passage de la Dame de la Pastorale, qui vient administrer la Communion ne réussit pas à m’inquiéter. Je lui explique que je dois être à jeun pour mon opération, alors le corps du Christ, ce n’est pas le moment. Elle pourra toujours repasser plus tard pour l’extrême onction.
Je me demande si les témoins de Jéhovah vont passer à leur tour???
Il y a un tel va et vient que je m’attends presque à voir arriver le chariot de la boutique hors taxe… J’ai trop lu de «Sylvie, hôtesse de l'air» dans mon enfance je crois. Au moins, mon lit est plus confortable que les fauteuils d’air transit…
À midi, c’est le grand départ! On ne veut pas que j’amène ni un livre, ni mon Sudoku, encore moins mon appareil photo. Même pas mon petit carnet de blogueuse!!! On m’assure que ça ne sera pas long.
Je n’ai pas à changer de lit, puisque mon lit est amovible. Pratique (comme ça, personne ne va me voir les fesses derrière ma jaquette fesses-à-l’air).
Première station dans le corridor, derrière un train routier de civières en transit. Je suis vis à vis d’un babillard sur lequel une affiche explique en détails les méfaits du cholestérol. J’étudie 5 minutes le sujet, puis on m’avance vers le babillard numéro deux, sur lequel trône un superbe poster du Guide Alimentaire Canadien. Cette fois, j’ai un bon 15 minutes pour l’examiner. C’est de la cruauté mentale! Toutes ces images de bouffe qui s’offrent à mes yeux affamés, moi qui suis à jeun depuis la veille!!!
Enfin, on me transporte ailleurs. En entrant dans l’ascenseur, deux dames en civil (c’est à dire ni en jaquette, ni en sarrau) demandent timidement à mon chauffeur si elles peuvent y entrer aussi. Le chauffeur acquiesce. Pour ne pas être en reste, je les invite à se joindre au party. Et c’est la descente vers le 1er étage. Avez-vous déjà pris l’ascenseur, couché??? C’est d’un effet plutôt bizarre…
Sans compter le fait qu'on se sent un peu ridicule, transportée en civière quand on pète le feu...*
* péter le feu : être en pleine forme
Enfin, cette fois, j’ai droit de me joindre à un troupeau de civières, dans une salle spéciale. Je suis devant la porte et le bureau principal, donc je bénéficie d’une bonne vue sur toutes les allées et venues.
Laissez moi vous parler de Paul. Paul est un homme sûr de lui, qui est entré dans la salle en complet-cravate (un peu inusité dans un endroit où le sarrau est de mise et détermine le statut social de l’individu). «Allô Paul» s’écrie l’infirmière du bureau, en pâmoison. «Bonjour Paul!» se tortille une préposée, en passant. «Oh, Paul, comment vas-tu?» s’informe avec déférence un technicien. Paul répond de bon cœur à toutes ces salutations. Paul est un homme important. Il se dirige d’ailleurs vers un vestiaire pour enfiler un sarrau pour le prouver.
Pendant mes 20 minutes supplémentaires de station, j’ai l’occasion de le voir passer et repasser, tête chauve au vent, vent dans la poupe et narines frémissantes d’orgueil. Je brûle d’envie de lui lancer à mon tour un «Allô Paul» à l’instar de toutes les personnes qu’il croise. Mais je suis trop timide. Je me contente donc de compter les picots du revêtement de plafond, comme je le fais chez le dentiste.
On finit par venir me chercher «Tiens, vous avez l’air d’une madame Coyote, vous!» me lance spirituellement le chauffeur. Je lui confirme ma coyotitude. «C’était facile, admet-il, vous êtes la seule madame qui reste dans le stationnement». On me mène à une salle pleine de trucs, de machins, et de bidules.
Je demande si je peux suivre sur l’écran vidéo ce qui se passe. Non. J’aurai un champ stérile au niveau du visage donc je ne verrai rien. «Alors vous allez me raconter???» Non. Ils doivent se concentrer. «Ben alors, je fais quoi, moi???» Rien, vous ne faites rien, madame Coyote. D’ailleurs, on ne va pas prendre de chance et on va vous injecter un petit calmant.
Bon.
En réalité, ils m’avaient demandé si j’étais un peu anxieuse, dans l’espoir que je dise oui, ainsi ils auraient eu une bonne excuse pour me calmer… Hélas pour eux, je n’étais pas anxieuse, j’avais juste peur de m’ennuyer profondément pendant les deux heures que va durer l'intervention, sans mon petit calepin de blogueuse, sans même un livre à lire…
Le petit calmant me calme. Pas la moindre envie de me gratter le nez, ni même d’éternuer malgré les petits tubes d’oxygène qu’on m’avait rentré dans les narines.
Chaque fois que j’ouvrais les yeux, on me demandait «Ça va, madame Coyote?» Je grognais un mmmmoui. À la fin, pour m’éviter l’effort de répondre, j’évitais d’ouvrir les yeux. Pour les rassurer, les pauvres. C’est eux qui auraient dû prendre un calmant.
Je me concentre (dans ma tête) sur mon blogue. J’ai déjà hâte d’être devant mon ordi pour pouvoir raconter tout ça. J’écoute les BIP BIP qui scandent les battements de mon cœur. Parfois les BIP BIP s’arrêtent. Je me retiens de les avertir que je viens de mourir. Ils doivent le savoir, ce sont eux les spécialistes. Je les laisse donc faire leur boulot sans m’en mêler.
De toute façon, je ne suis même pas sûre que ces BIP BIP proviennent de ma machine à moi. Si ça se trouve, je suis dans le sous-marin de «voyage au fond des mers», avec l’amiral Nelson et le beau capitaine Crane…
Puis, ça se termine. Ah. On me déplogue. Je suis toujours «calmée», c’est à dire un peu gaga parce que droguée. Quoique mes idées sont très claires. C’est juste que la bouche ne suit pas. Donc j’ai l’air «dans les vaps». C’est le fun, la médication, on peut dire n’importe quelle niaiserie impunément. L’ennui, c’est qu’il ne m’en vient aucune à l'esprit, alors je ne peux pas en profiter. Si au moins j’avais croisé Paul, j’aurais pu lui dire «Allô Paul»…
On me retransfère dans ma civière, qui est aussi mon lit. C’est pratique, je suis déjà comme chez moi. Le chauffeur vient me conduire directement à ma chambre. Cette fois, je me sens moins ridicule : je suis une Opérée. Ce nouveau statut me confère le droit inaliénable à la commisération des gens que je croise. Je suis tentée de me couvrir le visage avec mon drap pour entendre les commentaires genre : «Ah mon dieu! C'est terrible!» «À son âge» «Quelle pitié!». Je suis espiègle, hihihi. Mais j'ai trop peur que la dame de la pastorale ne vienne pour vrai me donner l'extrême onction.
De retour à ma chambre, la table de chevet a roulé un peu loin, avec mes numéros de téléphones, mon carnet de blogueuse, mes livres, mon crayon, tout est hors de portée! J’ai comme consigne de ne pas relever la tête de l’oreiller, et je ne peux pas trop étirer mes bras non plus, branchée comme je le suis. Pas pratique pour téléphoner : je me vois mal pitonner avec le téléphone au-dessus de la tête! Ce n’est pas le moment de me l’échapper sur la face!
Il est 16h. Je plaide le décalage horaire et je convaincs une infirmière de signaler pour moi le numéro puisque je veux rassurer mon tchum qui est en France et qui va bientôt se coucher. Elle obtempère, ravie d’appeler la France. Je donne donc de mes nouvelles à mon Amour, et lui donne comme consigne de courrieller mon papa et mes amis pour leur demander de m’appeler.
Je dépose le téléphone à mes côtés, pour pouvoir le saisir lorsque les appels surviendront. Ça me vengera du voisin qui a eu 3 visiteurs toute la journée, alors que j’étais seule comme un chien, abandonnée de tous, venant de Rimouski-la-lointaine.
En réalité, c’est pas si loin que ça, Rimouski, à peine 350 km. Mais Rimouski, pour les gens de Québec et de Montréal, c’est synonyme de «Sibérie». C’est là qu’on envoie les personnages indésirables dans les téléromans dont l’action se passe à Montréal. C’est de là que viennent les personnages mystérieux, dont le passé est inconnu. Et c’est là que vont les personnages des téléromans de Victor-Lévy Beaulieu (les seuls téléromans dont l’action se passe à Trois-Pistoles) pour prendre une brosse*.
* voir plus haut.
Rimouski acquiert donc ainsi un certain prestige : l'évocation seule de son nom possède un relent d’exotisme et de mystère.
À 17h30, enfin l’hôtesse arrive avec la bouffe. Meilleur que sur air transit, je dois dire. Mais je demande à remplacer la tasse de thé par un verre de lait : ma station forcée sous l’affiche du Guide alimentaire canadien a porté fruit.
Je trouve moyen d’avoir une visite : copine de Gaspé est justement de passage pour affaires. Voisin de chambre est jaloux : ahahaha, chacun son tour!
Et l’heure du dodo finit par arriver. En fait, il n’est que 20h30 mais le soleil est couché, Voisin de chambre et son pacemaker frais installé ronflent, les infirmières cessent un peu de se conter des jokes dans le corridor, alors je décide de me coucher à mon tour, ma petite boîte de télémétrie serrée contre moi, comme un nounours (pas le choix, ses 10 tentacules sont branchées sur moi en divers endroits…).
Vers 05h, quelqu’un fait brûler du pop-corn. L'odeur me réveille.
Vers 05h30 je me lève. Je vais me balader dans le corridor désert (en retenant d’une main le derrière de ma jaquette fesses-à-l’air). Je me sens délicieusement délinquante! Je trouve une machine à café. Je reviens dans ma chambre prendre des sous (ma jaquette n’a pas de poches) et je retourne me servir à la machine. Yeah! Je suis une Rebelle!
Vers 07h, le petit déjeuner arrive.
Vers 07h30 le docteur passe.
Vers 08h j’ai obtenu mon congé et je me dépêche de partir avant que l’on ne revienne me proposer la Communion. J’attends qu’on vienne me chercher dans le hall d'entrée.
La suite de cette saga demain dans...«LE MONSIEUR TRÈS IMPORTANT QUI EST VENU ME CHERCHER»
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20 commentaires:
Ouaaaaaaaa, la staaaaaar!!!!!
Ils t'ont posé un nouveau cerveau?
Tu vas être moins drôle ou ça ne change rien?
Un peu de respect pour mon statut d'Opérée!!! Pfft, non mais!!!
Quel périple !... ca donne envie d'aller à l'hôpital :-D ahah !!!
Beurk l'hôpital... j'espère que ton voyage de retour n'était pas trop douloureux ! Moi j'ai déjà fait St-Quentin - Québec le lendemain d'une grosse opération. Quand je suis arrivée chez-moi, je ne me sentais plus un bout du corps tellement j'avais eu mal !
Shandara crois tu que, donc, coyote ne sent plus son cerveau ?
Envie de retourner me coucher... ça me rassure que tout se soit bien passé mais qu'elle circulation!
J'ai vraiment trop rigolé, en lisant ton texte!!!
L'expérience que tu relate est tellement représentative de ce que l'on ressent à l'hopital! Moi j'ai mis à la récupération mon guide alimentaire il y a 2 minutes. Fini le brainwashing hospitalier!!Allo Paul!!
Grenouille, NOOOOOOOOON! Faut pas jeter le Guide alimentaire canadien!!! C'est ma Bible stomacale!!!
Ahahhahallaaa Coyote, jelis je lis avec ma fille et on se regale !!
Quel humour !! Bravo et surtout je te souhaite plein de bonnes choses pour la suite et je m'empresse de lire ...le chapitre suivant
Gros bisosu
Hsteffy83
Elles sont bien belles les cliniques veterinaires quebecoises!!!
Non, à mon hôpital, c'était plutôt «Bonjour, madame Coyote (mais comment elles font pour savoir notre nom???) vous avez passé une bonne nuit??? Désirez vous vous lever un peu? Commencez-vous à avoir faim? Le docteur va passer dans une demi-heure pour vous voir...» etc.
Et pourtant, ce n'est un système de sons privé!!!
Moi aussi je compte les picots du revêtement de plafond chez le dentiste, ou alors je joue à m'éblouir et après j'essaie de reconnaître des formes de ma persistance rétinienne ou un truc comme ça.
Et sinon les chats/chiens vont bien?
J'apprends seulement aujourd'hui qu'ils t'on changés les boyaux de la tête, j'aurais du m'en douter après ton précédent post.
ola j'avais loupé cet épisode ! alors l'hôpital au Canada c'est vraiment comme dans "les invasions barbares" y a plein de monde sur des lits dans les couloirs, je vois qu'ils t'ont vite relâchée et que tu as conservé tout ton humour , j'ai beaucoup ri ...donc ça veut dire que tu vas bien !
Oups, dans mon dernier commentaire, on aurait dû lire : système de soins et non «système de sons», hahahah!
Mercotte : en fait, les civières dans le corridor, ce n'étaient que les malades en transit qui attendaient pour prendre l'ascenseur. J'avais une chambre à deux personnes, c'était très bien.
François : non, ce n'était pas la tête! (Juste la prostate)
Yo : tout le petit monde va bien... Les revêtements de plafond sont scientifiquement calculés pour permettre l'observation à long terme, et les picots sont pleins de dessins subliminaux.
Respect Mame Coyote : nouvelle opérée! 4 jours ont passé depuis, est-ce que tu vas mieux ?
Et môsieur Paul, qui était-il ? L'énigme n'est pas résolue. Tu aurais dû enquêter un peu +...
Bon rétablissement!
Au Canada, les hommes et les femmes partagent la même chambre ?
Oui, mais on a des petits rideaux qui se ferment pour préserver notre intimité quand les infirmiers ou les médecins font des trucs genre toucher rectal...
Menus propos : ne faisant rien à moitié, j'ai justement effectué une recherche (google) parmi le personnel. Malheureusement, les Paul sur lesquels je tombais n'étaient pas chauves. À moins que la photo qu'ils présentaient ait été prise il y a plusieurs années. Donc le mystère reste entier...
Tu es drôle coyote. J'ai pensé à toi quand j'ai fait la photo des jardins.
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