lundi 28 mars 2005

Conte de Pâques

Nous sommes en 1993...

Quatre heures trente du matin. L'aube ne s'est pas encore levée et je me prépare pour ma folle équipée annuelle. Moi, la citadine reconvertie, je me lève avant le soleil le matin de Pâques pour aller chercher l'eau d'une source qui, suivant la tradition de ces milieux rustiques, deviendra de l'eau de Pâques!

On dit qu'elle a bien des vertus. La version classique (classico-rurale, bien sûr) veut qu'on en fasse de l'eau bénite. Certains prétendent aussi qu'elle ne se dégradera jamais. D'aucuns chuchotent entre les branches qu'elle embellit quiconque se lave avec cette eau.

C'est cette dernière interprétation qui me pousse à tenter l'expérience chaque année. Non point que je me trouvasse hideuse, non non non, mais ne vaut-il pas mieux mettre toutes les chances de son côté?

La nuit est froide, et la source est à un demi-kilomètre. Me voilà sur la route, avec mon cruchon vide. Heureusement que personne ne me voit ! J'aurais l'air de quoi!

Soudain, manque de pot, une voiture débouche dans le rang. Alors qu'il n'en passe peut-être que deux ou trois par jour dans mon rang au maximum, pourquoi faut-il que justement aujourd'hui, à cinq heure du matin, quelqu'un dusse être le témoin de mon geste ridiculement supertitieux? Je voudrais m'enfoncer dans la garnotte du rang, faire disparaître mon cruchon révélateur...

Je m'efforce de prendre une démarche nonchalante, de faire celle qui vaque à ses occupations de tous les jours, de prêter aussi peu d'attention à la voiture qui approche que si j'étais sur le boulevard Métropolitain à l'heure de pointe.

L'automobile s'arrête un peu plus loin au niveau de MA source! Une silhouette en descend, s’approche du bord et réintègre aussitôt son véhicule. Peut-être va-t-il vérifier si des gens font des fous d'eux-mêmes en prenant au sérieux tous les bobards que racontent les vieux du village, pour ensuite tout aller révéler dans le bulletin paroissial?

Il démarre et se dirige vers moi. Merde! Heureusement, je réussis à avoir l'air si naturel qu'il passe sans même me remarquer. Je me rends rapidement à la source, pour constater qu'elle est bordée de chaque côté d'un mètre de falaise de neige traîtresse.


Ainsi donc, mon automobiliste n'était probablement que le curé lui-même, à la recherche d'une source accessible pour ses vieux os, pour refaire sa provision d'eau bénite!

Le soleil menaçant de se lever bientôt et d'annihiler ainsi le sortilège sacré de l'eau de Pâques, je me mets en devoir d’exécuter les acrobaties nécessaires pour remplir mon cruchon. Je me mouille copieusement l'arrière-train mais tant pis, il faut souffrir pour être belle!

De retour à la maison avec mon précieux butin, j'entreprends de me frotter le nez énergiquement avec le liquide sacré. En vain. Point d’embellissement en vue.

Encore une fois, mon cruchon 1993 ira rejoindre ses pareils sur l'étagère où croupit déjà l'eau de Pâques 1989, 1990, 1991...

2 commentaires:

Anonyme a dit...

Heu coyote a tu regardé ton arriere train il a peut etre embeli.

coyote des neiges a dit...

OUais mais je ne suis pas tombée assise dans l'eau, malheureusement!